mercredi 20 août 2014

Les nouveaux maîtres de l'horreur

Les nouveaux 
maîtres de l'horreur

    Avant, il y avait George A. Romero (La Nuit des morts-vivantsZombie), John Carpenter (Halloween - La nuit des masques), Wes Craven (Les Griffes de la nuit, La dernière maison sur la gauche), Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse), Dario Argento (Suspiria, Inferno) ou encore Lucio Fulci (L'Enfer des zombies, La Maison près du cimetière). Ces maîtres de l'horreur des années 1960 à 1990 se sont tous fait connaître grâce à leurs premiers films, et sont parfois même les maîtres d'une seule oeuvre. Jamais Tobe Hooper ne retrouvera l'audace de son deuxième film et jamais il ne touchera son public comme il l'avait fait avec avec Massacre à la tronçonneuse (1974), ses oeuvres suivantes seront injustement sous-estimées. Mais ces maîtres de l'horreur ne cessent de créer, tant bien que mal. Leur filmographie demeure conséquente et certains n'ont pas fini d'offrir aux spectateurs de nouveaux cauchemars. Malgré ça, ils sont aujourd'hui hors-jeu de la production horrifique, de par leur âge et un style passé de mode.

    C'est ainsi que Wes Craven, en 2011, en est venu à ressusciter sa célèbre saga avec Scream 4, aussi répétitive que les précédentes séquelles, et que George A. Romero, en 2009, ramenait à la vie sa saga des morts-vivants avec Survival of the dead, non dénué d'idées mais dépourvu de budget. Les maîtres de l'horreur ne reviennent plus que sur ce qui avait fait leur succès. Le slasher de Craven et les zombies de Romero ne font plus peur, et n'intéressent plus les producteurs. Les propos ne sont plus les mêmes, les goûts et les techniques non plus. Par exemple, George A. Romero n'est pas en accord avec l'image actuelle du zombie. En réaction à la célèbre série The Walking Dead, il dit : "En gros, c’est juste une série soap opera comportant accessoirement des zombies. J’ai toujours utilisé les morts-vivants comme des personnages pour véhiculer de la satire ou des critiques politiques et je trouve que c’est ce qui manque dans la série. " (Source : actucine.com). 

    Certains de ces cadors de l'épouvante ont participé à la série télévisée en deux saisons Masters of horror créée en 2005 par Mick Garris, visant à attester leur statut de maître de l'horreur, comme son titre l'indique. Ils sont des icônes, des maîtres, des références certes, mais du passé. Mais alors qui sont les nouveaux maîtres de l'horreur ?

"Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur Terre"
George A. Romero entouré de ses créatures

    Nombreux sont les fans du cinéma d'horreur à déclarer que le genre n'existe plus, qu'il est décadent. Cette pensée pessimiste des puristes de l'horreur qui tâche, qui éclabousse, qui fait sortir les cadavres putréfiés de leur tombe, une horreur inventive, gore, décalée, est en réaction notamment à deux nouvelles modes : le found footage et le paranormal. Même si ces deux modes connaissent leur âge d'or au début de ces années 2000, elles ne sont pas nées d'hier. On sait que le found footage a fait ses débuts avec Cannibal Holocaust (1980) de Ruggero Deodato puis avec Le Projet Blair Witch (1998) de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez. Le paranormal, lui, est populaire depuis L'Exorciste (1973) de William Friedkin et Poltergeist (1982) de Tobe Hooper.

    Ces deux genres, souvent confrontés (Paranormal activity, Apollo 18), ont trouvé leurs "maîtres", ou plutôt leurs portes-parole. Il s'agit de James Wan (Insidious, Conjuring : Les dossiers Warren), également créateur de la saga Saw, et d'Oren Peli, réalisateur de Paranormal activity (2007) et producteur d'Insidious (2011) et de Chroniques de Tchernobyl (2012).

    Un troisième genre, dont la production est toutefois moindre, est le torture porn, dont les chefs de file sont James Wan et Darren Lynn Bousman, avec leur saga bête et méchante Saw lancée en 2004. Mais ces productions ne font pas de James Wan un "maître" de l'horreur au même titre que ceux d'antan. C'est un bourreau commercial qui touche aux deux écoles et qui tient plus à satisfaire les producteurs et à remplir les salles, quitte à sombrer dans la surenchère et la répétition d'un film à l'autre, qu'à inventer, créer. C'est un maître du business. Mais enfin, qui sont donc les nouveaux maîtres de l'horreur ?

James Wan et Vera Farmiga sur le tournage de
Conjuring : Les dossiers Warren
    Sans conteste, on peut déjà en donner un nom. Celui d'Alexandre Aja. Réalisateur et producteur d'origine française, il fait ses preuves en 2003 avec Haute tension. En 2006, il réalise son premier film américain, La Colline a des yeux, le remake du film homonyme de Wes Craven, qui dépasse l'original selon une quasi unanimité des amateurs du genre, de par ses qualités techniques et scénaristiques. En 2006, la chose est sûre, Aja apporte un nouveau souffle dans le cinéma d'horreur. Aussi professionnel du côté économique que du côté artistique de ses films, il tournera ensuite Mirrors (2008) et Piranha 3D (2010). Alexandre Aja ne lésine jamais sur le gore et la nudité de ses actrices - voir le Maniac (2012) de Franck Khalfoun, dont Aja est producteur - dans le seul but de combler ses fans. Alors que les "vieux" maîtres de l'horreur avaient Tom Savini, Alexandre Aja et d'autres ont Gregory Nicotero, l'un des maquilleurs les plus doués de sa génération. Aja est l'une des rares valeurs sûres du cinéma d'horreur. Son prochain film, Horns, sortira le 31 octobre 2014 aux Etats-Unis.

    Gregory Nicotero à propos d'Alexandre Aja : "Nous nous connaissons depuis assez longtemps pour nous compléter parfaitement. Les scénarios s'écrivent à deux, puis Alexandre s'occupe de la réalisation et moi je me consacre à la direction artistique du film." (Source : wikipedia.org)

Gregory Nicotero à l'oeuvre sur Piranha 3D
    D'autres réalisateurs ont su faire parler suffisamment d'eux avec des films devenus cultes, des références. Alors qu'Alexandre Aja consacre principalement sa carrière à des remakes, d'autres metteurs en scènes ont su créer un univers, apporter des idées originales au cinéma d'horreur, et de surcroît continuent de tourner. La plupart de ces réalisateurs font partie du "Splat Pack", une appellation journalistique qui regroupe plusieurs réalisateurs qui ont comme point commun de mettre en scène des films "ultra-violents".

    On peut citer Eli Roth, qui n'a réalisé que quatre films, Cabin Fever (2002), les célèbres Hostel chapitres 1 et 2 (2006, 2007), et The Green Inferno, qui sortira le 5 septembre 2014 aux Etats-Unis. Rob Zombie est le réalisateur qui a su le plus imposer son style, un style personnel ultra-violent et d'un réalisme cru, mais complètement délirant, notamment avec La Maison des mille morts (2003) et sa suite en 2005, puis avec le remake d'Halloween de John Carpenter en 2007 et sa suite en 2009. Sa dernière production, The Lords of Salem (2013), produite par Oren Peli, est plus modeste et le style si cher à Rob Zombie se perd au profit du thème tant convoité du paranormal. Malgré cette dernière réalisation, Rob Zombie est un maître incontesté de l'horreur. Ces réalisateurs représentent désormais des maîtres incontestés du cinéma d'horreur contemporain.

    Du côté de la Grande-Bretagne, Christopher Smith a su tirer l'épingle du jeu et offrir deux véritables régales horrifiques : Creep (2004) et Severance (2006). Mais après deux autres films qui s'éloignent quelque peu du genre, qui ne trahissent pas pour autant le talent de Smith, il n'y a plus de traces de ce réalisateur touche-à-tout depuis 2010 dans la production quelle qu'elle soit. Mais cela représente peu de films par rapport à la production totale, qui manque de nouveaux petits génies sortis de nulle part, affranchis des conventions, aux idées originales et qui vont au-delà d'un budget limité. Heureusement, on peut presque affirmer que la relève est assurée.

Sheri Moon Zombie, la femme de Rob Zombie,
dans The Lords of Salem
    Alors que les maîtres de l'horreur se retrouvaient à leur fin de carrière dans l'anthologie Masters of horror, les nouveaux font à l'inverse leurs premiers pas dans les anthologies. Alors que le found footage et le paranormal sont des genres qui ont envahi Hollywood et les gros budgets, l'anthologie est un nouveau genre né récemment du côté du cinéma indépendant. L'anthologie propose un nouveau format tout en reprenant quelques codes fondamentaux, comme le gore, l'humour et le grand-guignol, en s'en donnant à coeur joie.

    Trois anthologies, qui ne sont pas les premières et encore moins les dernières, sont à citer : V/H/S (2012), V/H/S/2 (2013) et The ABCs of death (2012). La saga V/H/S a été lancée par le site internet américain Bloody Disgusting, en particulier par Brad Miska, le fondateur et animateur du site aux côtés de Brad Owen. Miska a sélectionné six réalisateurs attachés à son site, qui ont plus ou moins fait leurs preuves dans la production horrifique. Il en reprendra certains ainsi que des nouveaux pour la suite du film, cette fois-ci au nombre de sept. Il leur donne carte blanche. Ainsi, plus ou moins méconnus, embarquent dans le projet Adam Wingard, Jason Eisener, le réalisateur de Hobo with a Shotgun (2011), Simon Barrett, Joe Swanberg ou encore Ti West pour les meilleurs. En plus de travailler ensemble, ils constituent une bande de potes. Cette ambiance "bon enfant" se fait ainsi ressentir dans leurs films. On revient à un cinéma modeste, sous la forme d'une même communauté.

    Ainsi, Joe Swanberg, Simon Barrett et Ti West se retrouveront dans l'excellent You're next (2013) d'Adam Wingard, un film qui a eu le privilège de sortir dans nos salles, certes imparfait mais qui se démarque par sa modestie et sa fougue horrifique et humoristique. Une fougue partagée par tous ces metteurs en scènes indépendants, une fougue contagieuse qui ravie les fans du genre. Ti West, lui, a fait ses preuves avec The House of the devil (2009). Egalement ami d'Adam Wingard, E. L. Katz s'affirme en tant que réalisateur en 2013 avec Cheap Thrills, une satire sociale savoureuse, sortie en direct-to-video en France.

    Brad Miska à propos de V/H/S : "Je considère que la plupart des films d'horreur sont beaucoup trop longs. Avec V/H/S, nous avons tenu à la durée la plus adaptée : une heure quarante-cinq pour cinq histoires ! Pour capter l'attention d'une génération qui décroche facilement, il n'en fallait pas davantage." (Source : V/H/S, Mad Movies n°263, mai 2013)

Sharni Vinson dans You're next
    L'anthologie permet de partir d'un thème simple pour élaborer plusieurs segments répondant à ce thème. Ainsi, The ABCs of death regroupe vingt-six réalisateurs différents, chacun chargé de mettre en scène une façon plus ou moins insolite de mourir, chaque mort correspondant à l'une des vingt-six lettres de l'alphabet attribuée au réalisateur, le tout pour un film de quelques minutes. Parmi ces réalisateurs de toutes sortes de nationalités, on retrouve les américains Adam Wingard et Simon Barrett pour un segment dans lequel ils se mettent judicieusement en scène, le britannique Jake West (Doghouse), les belges Hélène Cattet et Bruno Forzani (L'étrange couleur des larmes de ton corps), le français Xavier Gens (The Divide) ou encore le serbe Srdjan Spasojevic (A serbian film), qui ont tous largement contribué à la création horrifique.

Le segment signé Xavier Gens de The ABCs of death
    Outre l'anthologie, nous avons pu voir récemment dans nos salles le très réussi Blue Ruin, le deuxième film du chef de la photographie canadien Jeremy Saulnier, du côté de la réalisation pour la deuxième fois, qui avait auparavant fait preuve de son savoir filmique, photographique et humoristique avec le très original Murder Party (2007), qui avait fait le tour des festivals, sans toutefois sortir dans les salles obscures. Loin d'être épuisée, la production de films de zombies n'est pas toujours belle à voir. Mais Jeremy Gardner a su ressuscité le mort-vivant en lui rendant sa part belle dans The Battery (2012), sorti chez nous en DVD. Il serait dommage de ne pas évoquer la production horrifique française, ce qui n'est pas chose aisée. Au sein de notre faible et médiocre production en films de genre, nous pouvons tout de même considérer comme maîtres de l'horreur Julien Maury et Alexandre Bustillo (A l'intérieur, Livide, Aux Yeux des vivants), étant donné leur rythme de travail, trois films en sept ans, chacun remarqué par les festivals et la critique. Notons que leur désire de liberté est tel qu'ils avaient refusé de tourner le remake américain des Griffes de la nuit de Wes Craven.

    Quasiment tous à la fois réalisateurs, acteurs, scénaristes ou encore producteurs, ces nouveaux génies de l'horreur et, on l'espère fortement, futurs maîtres de l'horreur, témoignent d'un cinéma souvent social, qui s'éloigne peut être du fantastique, mais qui reste soucieux d'une véritable énergie visuelle transmise au spectateur et d'idées originales, dans le but de lui en faire voir de toutes les couleurs, surtout du rouge. C'est le retour d'un cinéma intelligent, qui n'oublie pas pour autant le gore et l'érotisme, bien au contraire.

Macon Blair, fusil à la main, dans Blue Ruin
    Bonne nouvelle, ces créateurs fous ne comptent pas en rester là, avec des projets plus alléchants les uns que les autres, à commencer par les anthologies The ABCs of death 2, dans laquelle embarquera le duo israélien Navot Papushado et Aaron Keshales (Rabies, Big bad volves), V/H/S Viral et Chillerama, ainsi que les films The Guest d'Adam Wingard et The Sacrament de Ti West, avec Joe Swanberg et AJ Bowen, vus dans You're next. Jeremy Saulnier, quant à lui, dit avoir déjà un projet pour son prochain film. La relève est assurée, et c'est du côté du cinéma indépendant que fleurissent les nouveaux maîtres de l'horreur.


L.H.

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